Edmond Bille et le Portugal
Corinna Bille et peut-être un festival
Les affaires : une affaire de feuilleton
Cette sacrée culture
Je vais commencer et terminer par deux citations, qui résument parfaitement le sens de ma démarche:
La première : « Je n’ai rien à dire, mais je veux le dire quand même » s’exclame le protagoniste du film de Fellini dans Huit et demi.
Et la dernière : « Le bon sens n’a pas pour moi de direction » poétise Philippe Léotard
J’aime bien passer du coq à l’âne. Ne pas trop m’attarder sur les sujets. Parler de choses et d’autres. Vous allez certainement passer un moment oubliable. Pas en raison d’un Alzheimer précoce, mais bien par le fait que ce que j’ai à dire n’a peut-être aucun intérêt. Je prends le risque.
Au fait, je ne souhaite qu’évoquer un peu le Valais. Les grands Valaisans, semble-t-il, ne sont pas Valaisans. Attention à la polémique…Ils viennent de l’extérieur et tombent amoureux du Valais. Ce sont les plus grands Valaisans, à l’image d’Edmond Bille et de Rainer Maria Rilke. Au fait, le rêve absolu du Valaisan, c’est de devenir…, faute de mieux, un grand Vaudois.
Il y a beaucoup de lieux inspirants et inspirés dans la région de Sierre qui a accueilli Bille et Rilke: le château Mercier, le lac de Géronde, Chandolin, le vallon de Réchy et Finges, ce dernier lieu aurait été le lieu idéal pour la rencontre de ces deux monstres du Valais, un poète et un peintre/verrier, un vrai touche-à-tout de génie. Alors que l’on demanderait à d’autres surtout de ne toucher à rien.
Je dois reconnaître que le Valais n’était pas pour moi un sujet passionnant. À cause de Ramuz, peut-être. Un Lausannois trop valaisan à mon goût. Mais le Valais devient un sujet toujours plus passionnant: découvrir des artistes, des destins, des histoires, des lieux, par exemple Martigny-la-Romaine: amphithéâtre, villas romaines, sanctuaires et thermes. Ah, la belle vie à l’époque…si vous n’étiez pas au centre de l’amphithéâtre.
Natif de Sierre et ayant séjourné moi-même 7 ans au Portugal près d’Estoril, Edmond Bille et son aventure portugaise m’ont tout naturellement interpellé à plus d’un titre.
Edmond Bille et le Portugal
Entre 1935-1942, Edmond Bille séjourne au Portugal. Il achète une propriété, la Quinta da Fonte, dans la région de Lisbonne, à quelques kilomètres d’Estoril.
Arrivé à Lisbonne avec sa femme en 1936, il séjourne d’abord à l’hôtel Miramar à Estoril.
Les correspondances échangées avec Corinna Bille, qui ne verra jamais cette propriété, sont révélatrices de son état d’esprit, d’abord enthousiaste, puis quelque peu désenchanté. Une expérience qui l’aura enrichi.
Moment difficile en avril 1941 lors de la mort de son père et de son impossibilité à se rendre aux funérailles du fait de la fermeture des frontières.
De son expérience portugaise résultera un roman, Thalassa, paru aux Editions des Nouveaux Cahiers en 1943. Parution de ce livre imprimé sur les presses d’E. Schoechli à Sierre en février 1943, c’est-à-dire en pleine guerre. Un ouvrage d’inspiration autobiographique et qui connaît une douce censure.
Il organisera également une exposition à Lisbonne en 1941 où il exposera 70 pièces. Il existe un manuscrit sur cette période « La Quinta », roman ébauché mais qui n’a pas été publié.
Edmond Bille aura mis beaucoup d’espoir et d’énergie dans cette propriété, voulant tenter un nouveau départ à 57 ans. Mais les choses ne furent pas aussi faciles. L’expérience demeure malgré tout positive. Un homme qui a réussi à apprivoiser des univers. Sa vitalité, il l’aura transmise à toute sa «tribu».
Quelques citations…
S. Corinna Bille – Edmond et Catherine Bille – Correspondance 1923- 1958, Plaisir de Lire, 1995
30.10.1935 – Catherine Bille à sa fille « Papito est si heureux d’être loin de tous les emmerdements, il supporte très bien le dépaysement, ou plutôt il n’est pas dépaysé. Il commence à travailler, il a fait deux aquarelles, dont une adorable ».
3.12.1936- Edmond Bille à sa fille « J’ai tout simplement failli être tué…par ma quinta! (On est souvent meurtri ou tué par ce qu’on aime). Figure-toi – mamy verra bien la place-, que le petit balcon à balustres, situé devant la grande porte du salon s’est effondré sous mon poids »
Thalassa, Aux Editions des Nouveaux Cahiers (Suisse) – 1943
«Ceux qui radiocinent. Ceux qui écrivaillent dans les journaux : Ils ne mentent pas tous ; mais ils ne disent pas la vérité. Ils n’osent pas. Ce qui est encore une façon, et la pire, de dire des mensonges.»
«J’ai souvent, comme vous tous je pense, nous dit le jeune docteur José Veiga de Carvalho, en posant sa tasse de café sur le guéridon, j’ai souvent l’envie perverse de prospecter dans les coulisses de certaines existences.»
N’hésitez pas à aller admirer la verrière monumentale (55 m2), datant de 1949, d’Edmond Bille à l’Hôtel de Ville de Martigny. Sur 3 étages, des vitraux d’une grande beauté et Edmond Bille qui fait son autoportrait en empereur romain.
En parlant d’Edmond Bille et du Portugal, je reviens tout naturellement au Valais et à sa fille, Corinna.
Corinna Bille mériterait largement son Festival à Sierre…plus que tout autre
Quelle belle rencontre littéraire au Château Mercier, en mars 2013, dans le cadre d’une émission d’Espace 2. Ce fut un privilège, un luxe de châtelain d’entendre Gilberte Favre parler de son amie Corinna et à laquelle elle a consacré une courte biographie, très complète et d’une sensibilité rare. Ce qui plaît chez Corinna Bille ? Tout. Mais peut-être et avant tout, cette sincérité, cette bonté, cette hypersensibilité (bonheur et douleur de vivre), cette imagination luxuriante traduites sans faille dans les actes quotidiens de sa vie littéraire et familiale. Elle a su très jeune, à 15 ans, qu’elle voulait devenir écrivain. « Mais on ne devient que ce qu’on est », se plaît-elle à relever. Même en étant souvent au service des autres, elle a su mener de front sa carrière littéraire, avec pour consécration le Goncourt de la Nouvelle en 1975 pour La Demoiselle sauvage. Toujours au service de l’écriture qui pour elle était une respiration, au service naturellement de ses enfants, au service de son mari pour qui elle tapait à la machine l’ensemble des manuscrits, au service de sa mère malade de 1972 à 1974, au service de son père en travaillant à l’édition de ses mémoires parues sous le titre Jeunesse d’un peintre. Valaisanne, profondément attachée à son coin de pays et à la nature, ses livres respirent cette terre. Faut pas rêver, mais elle mériterait chaque année son Festival. Elle qui rêvait intensément et toujours des rêves colorés…la fille d’un peintre bénéficiant toujours de quelques privilèges.
Le Valais est fortement marqué au niveau identitaire…on le compare un peu à la Corse ou à la Bretagne. Il existe un repli identitaire, parfois positif. Tout se sait très vite, peut-être trop vite. Et il suffit, comme dans les familles, qu’une dispute éclate…et tout remonte à la surface et éclate en plein jour. Donc mieux vaut éviter le sujet. Et donc après les affaires de famille, passons aux grandes affaires….
Ah…la belle affaire, oh…les belles affaires…à perdre son latin
Que d’affaires, ici et ailleurs. Même le monde des affaires croulent sous les affaires. L’avantage des affaires : elles jouent un peu le rôle des feuilletons à la télévision. Un sacré fonds de commerce et elles touchent souvent le fond. Un film passe et est vite oublié, mais dans un feuilleton il y a toujours une suite, ça s’allonge, on rallonge, on se répète, on fouine, on fouille. Et la montagne accouche souvent d’une souris. L’important finalement est de parler ou d’en parler, de se faire une opinion, même si l’on a rien à dire. Un genre de météo. Et souvent à la fin du feuilleton, on n’est pas plus intelligent qu’avant. Au contraire. Idem pour les affaires.
Il y a ceux qui savent…les braves généralement et ceux qui bavent…les pauvres lecteurs/auditeurs/spectateurs habituellement.
Résumer une affaire, la tâche s’avère impossible. Par quel bout la prendre. C’est un peu comme si l’on voulait résumer l’existence d’un individu en une phrase ou deux. La nature humaine est friande de simplification et de raccourcis. Pour se rassurer…évidemment. Nixon, est-ce le Watergate, la guerre du Vietnam ou le rapprochement avec la Chine ? Peut-être vaudrait-il mieux lire ses mémoires et quelques autres livres ?
Nous adorons les histoires, mais détestons pour la plupart l’Histoire avec un grand H ou une grande hache. Le temps court, l’instant est notre créneau, mais le temps long et l’éternité sont souvent plus difficiles à appréhender…surtout vers la fin.
Avec ces histoires, on en perdrait son latin…nolens volens (qu’on le veuille ou non)
Mais foin des affaires, revenons un peu à l’essentiel, à la culture…
Le Valais culturel existe…je le rencontre parfois
En lisant la presse et pas seulement la presse valaisanne, on se demande où est passée la culture en Valais. Les médias évoquent trop souvent, pour parler du Valais, les loups égarés et les moutons de Panurge, les reines un peu vaches et les grands barons de la politique, les églises vides et les chapelles pleines de fausses bonnes idées, la pléthore de lex et de rex, les hauts et les bas-fonds du foot et des ballons de blanc. En bref, il y a vraiment trop de Constantin et de Freysinger dans notre vin, il manque quelques gouttes d’esprit de Gianadda. Et pourtant le Valais culturel existe, je l’ai rencontré et le rencontre souvent : tous ces lieux magiques comme la Ferme-Asile, le Château Mercier, le Teatro Comico, le Théâtre de Valère, la Fondation Pierre Gianadda, la fondation de Wolf et tant d’autres lieux, manifestations et festivals qui vivent et survivent grâce au dynamisme de tous les agents culturels. Osez parler de culture valaisanne ouvertement et sans peur – sans peur que l’on sorte le fusil de chasse…aux idéaux. Chassez le culturel et il revient toujours… au trot ou au galop, même si vous le mettez au pas
Conclusion…il paraît qu’il faut toujours conclure
J’essaie de trouver toujours le sens, l’essentiel, la quintessence…ou mieux le «quintessenciel». Mais je me perds souvent en vain. Tout peut s’arrêter d’un coup…et on n’aura peut-être plus la chance de voir Darius Rochebin ce soir à la téloche. C’est grave. Et le monde irait tellement mieux si chaque jour on essayait de pratiquer 1 ou 2 actes totalement gratuits et altruistes. Pour la bonne cause et non pas pour que l’on cause…Et l’essentiel de l’essentiel, c’est qu’il faut passer de la théorie à la pratique. Car tout cela, en fait, n’était que de la théorie. Même s’il n’y a rien de plus pratique qu’une bonne théorie, comme disait l’autre ou plutôt Einstein. Cela aurait pu être ma dernière citation, mais…je ne résiste pas…
Le sacré bon sens ne saurait mentir et il n’a pas de direction, pour paraphraser Philippe Léotard.
Bon Dieu, mais c’est bien sûr…ne perdez jamais votre bon sens, de préférence multidirectionnel.