Moi, de marque Walter Lewis, célèbre, avec une pointe de bling-bling, j’orne les beaux vêtements de M. Brunswick, aussi célèbre que moi car les célébrités restent ensemble, c’est bien connu.
Avec ma forme circulaire, bordé de quartz rose de Colombie, je brille de mille-feu. Mon rôle ? Impressionner les connaissances hypocrites de mon porteur, et les voir ébahies et douloureusement jalouses de l’homme qu’ils ont en face d’elles. Malgré ses airs d’aristocrate et la façon de prononcer son nom d’une voix langoureuse : M. Brrrunsswickk, mon maître est exactement comme eux.
A mon ton vous vous demandez sûrement comment je survis à mon travail. Et bien figurez-vous que je n’ai pas le choix. Vous êtes nés humains ou lampadaire, je suis né bouton de manchette parmi d’autres fioritures et quelques colfichets.
Ô quelle triste existence consacrée à l’ornementation d’un ridicule roitelet !

Ma journée commence toujours par le veston bleu aux coutures soignées d’un riche couturier originaire de Laponie. Personne ne sait qu’il n’est en fait qu’un trafiquant d’opium polygame, misogyne et alcoolique dont la descendance se résume en bâtards engendrés dans les quartiers sombres de Singapour.
Et oui, moi, digne bouton, je me vois fixé à ce tissu nauséabond.
Ma journée continue étroitement serré à la chemise française, pendant que Monsieur négocie en futilités et fume le cigare, dont les mégots grisâtres s’éparpillent entre les touches de son Macbook Air.
L’après-midi arrive enfin, après la ballade en yacht accroché au body blanc crème de mon porteur, j’admire les formes généreusement retouchées et plastifiées de Mme Brunswick. Il faut savoir qu’étant rare, comme vous vous en doutez bien depuis le début de ces Confessions, je suis le porte-bonheur de M. Brunswick, Patrick pour les intimes.

Enfin bref, après une après-midi oisive à souhait, vient le repas du soir, ou plutôt le festin du soir car je ne crois pas que beaucoup de personnes dégustent de la Poularde de Bresse truffée en vessie sauce Albuféra accompagné de cassolette de crustacées au homard breton. Mais bon, je ne suis qu’un simple bouton, intelligent et gracieux, certes, mais qui ne vit pas comme vous, simples humains. Comme tous les soirs, Patrick tâche sa chemise d’une diaphane tâche de graisse et fatigué de sa journée, car oui, gambader dans le luxe ça fatigue, Patrick prétexte aller jouer aux cartes, pas sur une application de son Ipad, mais dans un bar pour se détendre.

Sa femme, gentille mais très idiote, il faut quand même le préciser, fait semblant de le croire. J’insiste bien sur le “Fait semblant” parce qu’elle a en effet déjà fouillé tous les appareils de communication High-Tech de son mari et croit que la mystérieuse Brenda est à l’origine de ses sorties nocturnes. Vous allez me demandez pourquoi elle ne fait rien. Je vais vous expliquer. L’autre jour, depuis le dressing, j’ai surpris Mme Brunswick se plaindre à la majordomesse, oui j’invente des mots mais rappelez-vous que je ne suis qu’un bouton, qu’elle savait que Patrick-chéri la trompait mais que cela ne lui faisait rien car si elle le quittait, elle devrait faire la garde partagée de Choupette, son bichon néerlandais, et qu’elle ne pourrait le supporter. Je vous laisse admirer le mensonge de Mme Brunswick et la subtilité de son raisonnement. Subtile, car derrière il y a le mot “fric”, mais je ne m’étendrais pas sur le sujet.
Tout cela pour dire que Mme Brunswick n’est qu’une cruche, car Brenda est le nom de code du fournisseur de cocaïne de Monsieur. Je dois quand même avouer que cette cruche est à moitié vide car effectivement Patrick ne quitte le baldaquin de sa femme que pour aller réchauffer celui du bordel du coin.
Voilà ma tâche du soir : décorer le velours ignoble de Patrick, même si il ne le porte que pendant un court laps de temps. La préférée de monsieur est Tatiana, rousse et potelée. Je ne vous décrirais pas la suite, orgiaque, mais voilà à quoi j’en suis réduit : L’argent, la drogue et les catins.
Ma vie est palpitante, n’est-ce pas ? Je profite quand même car j’ai bien peur que je finisse ma vie, fondu, pour remplacer par mon éclat doré une des dents de
M.Brunswick quand il sera sénile. Enfin seulement s’il survit jusque là.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.